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Devenir mère...


Illustration de Anna Wanda Gogusey pour Arte Radio
Illustration de Anna Wanda Gogusey pour Arte Radio

Pendant de nombreuses années, en gros ces 6 dernières années, j'avais plus ou moins décidé que je ne deviendrais pas mère. Pourquoi? Déjà pour des raisons écologiques : la planète déborde, bout et crie et je me voyais mal ajouter un être de plus à cette surcharge. Pour des raisons féministes aussi : je ne voulais pas rentrer dans ce "moule", cette pression sociale qui veut qu'en tant que femme blanche dans une relation hétérosexuelle, il faut être en couple et se reproduire. Je ne fais pas partie des personnes qui pensent qu'une femme ne peut être vraiment accomplie en tant que femme qu'en donnant la vie. De plus, persuadée que l'inégalité homme/femme au sein du couple se creuse encore plus à l'aube de la maternité, je rejetais l'idée en bloc. Pas question de me retrouver à tout faire, tout savoir, tout prévoir pour mon enfant pendant que le père se laisse guider !  Enfin, pour des raisons plus égoïstes : comment avoir suffisamment de temps à moi, comment accomplir tous mes projets et mes désirs, tout en ayant un enfant?

Oui mais voilà, le désir m'a rattrapé. Le désir profond qui rugit dans l'utérus, celui qu'on ne peut pas enfouir, qu'on ne peut plus bâillonner. Il est arrivé comme çà, si puissant que j'en ai pleuré. J'ai pleuré parce que j'avais un peu honte de ressentir cette envie alors que j'avais en quelque sorte "passé un pacte" avec moi-même. J'ai pleuré parce que je pensais que cette envie n'arriverait jamais. J'ai pleuré comme pour nettoyer et faire plus de place dans mon for intérieur. Puis après les larmes, j'ai ressenti une grande paix m'envahir. Une grande joie aussi, presque une extase : je suis prête à accueillir la vie.

Pendant quelques semaines, j'ai pris le temps de considérer l'idée, de voir si ce n'était pas une lubie passagère, un pic hormonal du à un certain moment de mon cycle... Mais quelque part en moi, je connaissais déjà la réponse. Alors j'en ai parlé à mon compagnon, nous avons discuté de ce que tout cela allait changer dans nos vies, des choses qu'il faudrait peut-être revoir, adapter, de nos visions et envies quant à la maternité/paternité et à l'éducation. Et puis c'était parti. J'ai pris rendez-vous chez ma sage-femme pour enlever mon stérilet au cuivre et, un peu plus d'un mois plus tard, je découvrais en pissant sur un stick en plastique que j'étais enceinte. J'ai pleuré de joie, et un peu de panique aussi, j'ai appelé ma petite soeur et le soir-même j'invitais mon amoureux au restaurant pour lui annoncer la nouvelle ( il a pleuré de joie aussi).

 

Mais pourquoi devenir mère sur une terre qui se meurt et quand on est profondément féministe?

Je crois en fait que c'est justement parce que je suis féministe et écolo que je me suis sentie "prête" à devenir mère. Parce que j'ai cette profonde conviction qu'individuellement on peut faire une différence sur l'état du monde. Pas en restant seul.e dans son coin non, mais en s'ouvrant, en créant sa propre communauté qui nous ressemble et qui nous autorise à être nous-même sans retenue. Je suis convaincue que c'est en continuant à faire des efforts, à militer, à discuter (de manière plus ou moins vive) que l'on va continuer à éveiller les consciences autour de nous et faire que ces efforts individuels qui parfois nous semblent vains, deviennent des efforts globaux. Depuis que je suis enceinte, je sens qu'instinctivement ma conscience de l'éducation des enfants grandit jour après jour. Pa exemple, j'ai cet après-midi contribué à une campagne de crowdfunding dédiée à aider la publication d'un album pour enfants évitant les stéréotypes de genre. Parce que c'est ce genre d'éducation que je veux donner à mon enfant, qu'il/elle soit un garçon ou une fille. C'est ce genre d'éducation que je veux partager autour de moi, à mes neveux et nièces et aux jeunes parents de mon entourage. Je suis aujourd'hui persuadée que devenir mère ne va faire que renforcer mes convictions et mon militantisme.

 

Je ne veux pas me résoudre à l'effondrement de la planète dont je suis si profondément amoureuse. Même si cela prend plus de temps, je n'envisage la grossesse et la maternité que d'une seule manière : en continuant à être la plus respectueuse possible de mes engagements éthiques. J'ai eu pendant le premier trimestre quelques rares envies ponctuelles de viande auxquelles j'ai succombé, alors que je suis végétarienne depuis un peu plus de 3 ans. Déjà, je voudrais juste dire que les envies de femmes enceintes ne sont pas faciles à comprendre et à "contourner", et je ne me suis pas auto-flagellée pour autant. Mais rapidement, je me suis tout simplement rappelée pourquoi je suis devenue végétarienne et quel a été mon cheminement et ces envies de viande ont disparu aussi vite qu'elles sont arrivées. En matière de réduction des déchets, je sais que le point noir lorsque l'on a un bébé, ce sont les couches jetables. J'y ai déjà beaucoup réfléchi et, même si j'aimerais beaucoup vous assurer que je vais utiliser des couches lavables que j'aurais fabriquées moi-même, je sais au fond de moi que ni mon compagnon, ni moi n'auront l'envie de nettoyer des couches sales en plus du reste ! Et je suis ok avec çà, tant que je fais de mon mieux sur le reste. Lingettes lavables ; liniment, crèmes et savons naturels ; allaitement ; purées de légumes et de fruits maison ; matériel de puériculture d'occasion récupéré chez des amies ou sur Vinted ; vêtements d'occasion données par ma maman et mes amies ; éviter de faire une liste de naissance à rallonge qui ne ferait qu'encourager la surconsommation (...) Il y a des tonnes de choses à faire pour vivre la grossesse et la maternité de manière respectueuse pour l'environnement (et pour soi!)

 

En parlant aux jeunes mères autour de moi, je me rends compte à quel point nous sommes, femmes enceintes, mères, grand-mères, des putains de déesses ! Nous avons le pouvoir d'enseigner aux générations de demain toutes nos connaissances, nos idées, nos revendications pour faire que la planète reste un endroit où il fait bon naître. Nous avons le pouvoir de leur faire connaître la beauté du monde, le vivre ensemble dans le respect.

Je terminerais en citant mon inspirante amie Cécile Doherty-Bigara, maman d'un petit Léon de 2 ans : Donc, à toutes mes femmes enceintes guerrières, célébrez votre corps et demandez de l’aide et écoutez ce que vous savez dans votre cœur. Vous êtes une incarnation de l’amour inconditionnel : les femmes enceintes respirent pour deux, dorment pour deux, digèrent et éliminent pour deux. Elles sentent aussi pour deux : elles ont un double cœur.

 

Merci de votre lecture.

 

 

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Commentaires: 3
  • #1

    Sonia (mercredi, 22 avril 2020 21:29)

    Tres belle réflexion sur cette maternité et ton futur toi en tant que maman mais aussi en tant que toi et tes causes a défendre ( il ne faut pas être juste une maman.. on est une femme en 1er lieu).. j'admire toujours la nature humaine qui peut sans prévenir nous faire prendre des virages à 180° sans crier garde... et cette capacité à les accepter ( changement du corps, de la vie quotidienne, les grandes et petites adaptations.... et j'en passe...)..
    Étant maman 3 fois ( 3 merveilleuses poulettes)... je me suis adaptée, pleurée sur certains échecs, me suis réajustée, crier, aimer sans faille, rit, sourit, épuisée mais aussi planter des petites graines (que jai reçu de mes parents... avec leur domaine personnel...)
    Comme toi je prends soin de notre terre mère... et inculque à mes enfants ce que j'ai appris et apprends encore tous les jours, ma curiosité et à préserver notre terre si cher à mon coeur... et que cette société de surconsommation ne leur apportera pas plus de bonheur (ici c'est transmission des vêtements, occasion quand on peut, recyclage...) et une éducation propre à ce que je ressens ( au diable de ce que les gens peuvent penser!!)
    En revanche, une seule chose dans mon discours :faire tout ce que l'on peut pour preserver notre planète mais sans que cela devienne une contrainte.
    Et de s'écouter sans se juger ...
    Tout cela passe par la communication et la curiosité...
    Bonne route pour cette nouvelle aventure !!! Sois la maman que tu veux être!!!
    Ps: il me reste des petites choses de ma dernières... si jamais

  • #2

    Philippe Hue (mercredi, 22 avril 2020 22:04)

    Mon multi cœur est à ton, votre service... Je t'aime ma fille et aussi déjà le bébé que tu portes....

  • #3

    Mathilde (vendredi, 24 avril 2020 12:01)

    Bel article Marie, je retrouve les interrogations que j'avais et ce cheminement pas toujours évident jusqu'à être enfin maman ! Ce qui est quand même sacrément chouette et qui ne te force pas à oublier les moments pour soi (c'est juste un peu d'"aménagement"). Enfin merci pour tes séances c'est chouette de te retrouver même par écran interposé ! Belle fin de grossesse !